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Quid Novi Rock'n'roll ?

Billets


La pensée, son contraire et Charlie...

 

Difficile d'attaquer ce billet pas mes voeux... putain, c'est terrible mes enfants, qu'est-ce qui s'est passé bon Dieu ? Mercredi dernier, je devais attaquer mon premier petit texte de l'année pour ce blog. Mon I-pod, posé sur la table à côté de moi, s'allume une fois en silence. Puis, à nouveau, l'écran s'illumine d'une nouvelle notification. Une autre la suit, et encore une autre. L'appareil se retrouve bientôt à clignoter en rafale bêtement, criblé d'informations fusant de toutes parts du flux continu du net. Pas besoin de vous le rappeler, vous savez tous ce qui s'est passé.

 

J'ai passé cette journée totalement anesthésié comme sous l'effet d'une énorme mandale. J'ai judicieusement choisi de déserter mon cours de boxe et l'expérience physique de ce traumatisme pour aller marcher avec une foule immense puis célébrer la mémoire des anars innofensifs tombés sous les balles de fascistes qui rêvaient d'être spirituels en dégommants quelques bières en bonne compagnie. Et là... on s'est surpris à bien rigoler... La gorge un peu serrée parfois, mais on a rit. On a ressorti nos vannes préférées lues au fil des années, ironisé sur les déclarations « prophétiques » de Charb qui « préférait crever tout de suite » ou « mourir debout que vivre à genoux » et même franchement rit en réalisant le jeu de mot que créait l'usage du terme « prophétique ».

 

Après... ce truc me hante depuis. L'impossibilité de ce qui s'est passé me pèse sur la conscience. Mais c'est arrivé. Je ne peux pas résoudre cette équation morbide pour le moment. L'endoctrinement et le conditionnement sont pour moi des notions quasi-abstraites, je n'ai aucune représentation mentale de tout ça. Je ne peux pas comprendre. Je ne peux pas comprendre le fanatisme non plus. Même le fascisme, dont on a maintes fois démontré le fonctionnement, me dépasse. Je n'ai aucun problème à me représenter la folie, a comprendre que le cerveau est un organe complexe qui peut se dérégler, balancer anarchiquement des décharges chimiques mal dosées, vous faire agir de manière irrationnelle et dangereuse... Mais l'asservissement d'un esprit à une idéologie ça me fend le coeur et ça me retourne le cerveau ; je n'y comprends rien.

 

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Par contre, la subversion est un concept qui m'est plus familier. Un dessin c'est terriblement subversif. Parce que tout le monde peut le comprendre. L'humour est encore pire. Une bonne grosse blague bien grasse qui vous scandaliserait en temps normal peut vous faire pouffer malgré vous si elle est bien balancée. L'esprit fait le reste et d'interrogations en pistes de réponse on se retrouve à penser ! Penser ? Penser ! Pensez-vous donc ! L'idéologie se doit de refuser la pensée, l'idéologie se doit de dicter la morale, d'être morale et de condamner tout ce qui ne l'est pas, l'idéologie ne peut tolérer qu'elle-même, l'idéologie ne peut accepter aucune attaque quant à son bien fondé. Alors la pensée, l'idéologie vous pensez bien qu'elle la combat, la pauvre ! Ce pauvre petit phénomène auquel même le plus obtus des esprit se confronte au moins une fois dans sa vie est un terrible risque : la pensée passe par l'interrogation, l'interrogation amène le doute et le doute fait partie des nombreux mots que l'idéologue éclairé a reporté dans son livre noir aux côtés de tous les autres mots qui peuvent détruire sa doctrine. L'idéologie ça ne défend rien, ça ne se bat pour rien. Les causes prétendues ne servent qu'à rallier des fidèles, sa seule finalité, sa seule raison d'être, c'est le contrôle. Je pense que le préchi-précha guerrier avec un très vague fond d'Islam copieusement arrangé à la sauce barbare dont se réclament les pauvres bougres endoctrinés qui partent se battre et mourir a très malheureusement prouvé sa faculté de contrôle. Les nazis et les soviétiques ont utilisé les exacts mêmes biais idéologiques avec un argumentaire spécifique pour contrôler leurs ouailles.

 

Alors qu'est-ce qu'on peut faire ? Je pense qu'il faut cultiver tout ce qui peut faire obstacle à toute idéologie. Parce que, par les temps qui courent, les âmes en peine en quête d'un sens à leur vie sont prêtes à se ruer vers tous ceux qui promettront de les sauver. Les chapelles et les crèmeries sont nombreuses, les nazillons et les fous de Dieu étant finalement de la même race tout en promettant de s'entre-tuer. Une idéologie, ça n'a en revanche pas peur d'être complètement con.

 

Alors les amis, faites-moi plaisir, ruez-vous sur vos bouquins, votre rock'n'roll, confrontez les idées, faites du bruit, pensez, exultez, pesez le meilleur et le pire, métissez-vous, batardisez tout ce que vous savez, noyez-vous sans peur dans tout le bordel qui nous entoure sans chercher à y donner un sens car il n'y en a pas. C'est en croyant, et j'insiste sur le mot « croire », à quelque chose d'aussi illusoire que l'existence d'un « sens » de la vie, que notre esprit se ferme petit à petit à tout ce qui y est étranger, à tout le reste, à toute l'immensité du monde et tout ce qui l'emplit... C'est en se focalisant sur une pensée unique, quand bien même serait-elle profonde, que les incompréhensions grandissent, s'installent, se complaisent et se reproduisent, engendrant durablement une rigidité qu'on ne prête qu'aux cadavres. Il n'y a pas de résurrection.


15/01/2015
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BLOG EN GREVE

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Mais noaaaaan ! Je déconne !

 

C'est juste que je n'ai absolument pas le temps de vous pondre une chronique aujourd'hui – j'ai un anniversaire à fêter, nom d'une pipe.

 

Ceci étant dit, puisque j'ai pris comme prétexte la grève des intermittents du spectacle – une merveilleuse frange de parasites profiteurs, fêtards et feignants à laquelle j'ai la joie d'appartenir – pour y aller de mes quelques mots sur le sujet.

 

Je vous épargne toutes les considérations liées à nos privilèges et à la manière dont nous grêlons le budget de manière éhontée et sur le dos des gens qui ont eux un travail honnête : si vous êtes un peu renseigné vous savez très bien que c'est de l'entubage grossier habillé de quelques chiffres maquillés comme des voitures volées(1). Un intermittent ne coûte pas plus cher qu'un autre chômeur et la sporadicité de nos périodes d'emploi est compensée par des cotisations sociales élevées. Je ne vous parle pas non plus de ce que rapporte le monde de la culture et du spectacle et dont l'État – et donc la collectivité – perçoit sa part sous forme de taxes ; c'est un marché considérable, bien entendu et c'est tout à fait normal. Je vous fais également grâce de toutes les remarques relatives à ce que signifie être artiste et sur la masse de travail que cela suppose(2)...

 

Non, j'aimerais parler de ce que représente la casse de ce statut – un des fleurons de l'Exception Culturelle Française, selon l'expression consacrée. Pour moi, cette attaque si virulente du MEDEF est purement idéologique. Je vous explique pourquoi. Imaginons que le statut ait effectivement été supprimé comme le syndicat le plus concerné au monde par les dépenses publiques(3) le réclamait... Et bien je n'aurais plus qu'à changer de métier et éventuellement continuer en amateur : et plutôt crever... Je suis, moi, tout petit artiste complètement indépendant, mais en revanche totalement dépendant de ce régime particulier pour pouvoir faire un travail qui me satisfasse artistiquement et je n'ai pas la notoriété et le réseau suffisants pour pouvoir vivre de mes seuls salaires(4) ; je serais obligé de jouer tous les jours pour bouffer ce qui, en plus d'être techniquement impossible étant donné que le simple fait de meubler le calendrier est un aspect du métier à part entière et demande un temps considérable, signifierait des périodes de création réduites à peau de balle et des répétitions tout simplement rayées de la portion réaliste de l'organisation d'un emploi du temps sérieux... Et tous les petits artistes comme moi, tous les petits groupes, tous les professionnels intervenant en marge des gros événements, ceux qui s'aventurent encore dans les petits villages, les Fêtes de la musique et les soirées estivales et qui essaient de proposer quelque chose d'aussi stimulant et artistiquement viable, voire meilleur, que ce que l'ont trouve sur les scènes conventionnées, seraient confronté à ce dilemme : continuer leur activité en sacrifiant la qualité de la dimension artistique et la possibilité raisonnable d'une vie de famille(5) ou même simplement sociale ou changer complètement de branche, sacrifiant cette fois un travail qui s'est parfois construit sur des années(6).

 

Alors oui, la suppression du statut ne signifierait en rien la mort pure et simple du monde du spectacle ; simplement l'épuration des plus modestes. Ça ne vous rappelle rien ? Personne ne voit d'écho avec les petits commerces balayés par les cadors de la grande distribution, la perte du goût du goût avec l'invasion des fast-food, l'agriculture, depuis longtemps devenue dingue avec des exploitations démentes et une production trop importante, la désertification culturelle des campagnes malgré une politique de décentralisation et de déconcentration ? Je ne vous fait pas une petite prêche gaucho-anarchiste ou pire, conservatrice et traditionaliste, je veux simplement attirer votre attention sur la portée véritable de cette attaque. Pour eux, à mes yeux, c'est avant tout un symbole à abattre, la destruction de ce qui fait obstacle à leur idéologie : détruire la Culture et amener le règne de l'industrie culturelle – et la nuance est de taille. Si une telle chose arrivait, nous ferions notre premier grand pas vers une standardisation culturelle et artistique car nous serions à la merci du public, devenu consommateur et sommé de consommé ; et dans un monde où la loi du buzz, de la mode et de la popularité éphémère sont Roi – couronnés par un système médiatique extrêmement complaisant –, je pense que ça serait un beau bordel où la consensualité serait le maître mot. N'étant pas complètement stupide, je sais pertinemment que tout cela a déjà court : mais si les centaines de petits groupes, les milliers de petits artistes qui dépendent de l'intermittence pour vivre venaient à disparaître il n'y aurait plus d'alternative possible : il faudrait accepter de bouffer la soupe que le marché aura daigné balancer dans nos assiettes. Plutôt crever.

 

 

 

1 : Si vous n'êtes pas bien renseigné, je vous laisse le soin d'aller exercer votre esprit critique sur Google en comparant le fossé béant qui se creuse entre les différentes sources qui évoquent le délicat problème de la saltimbanquerie et autres troubadourations. C'est assez éloquent.

2 : Si vous regrettez que je ne le fasse pas voici un petit exercice mental : « Vous avez un spectacle à monter et à faire tourner, vous êtes un artiste aux moyens modestes mais intègre et vous voulez donner à voir un univers qui vous est propre et ne pas vous calquer de manière opportuniste sur les attentes supposées du public ; imaginez comment. » Vous avez deux heures et je ramasse les copies.

3 : Rrrraaaaa, mais rien que ça c'est aberrant ; on sait très bien qu'ils s'en branlent totalement des dépenses publiques...

4 : Je précise pour ceux qui ne connaissent pas le système que c'est un simple régime de chômage : les jours où je ne travaille pas, je suis indemnisé comme n'importe quel autre chômeur. (Je précise à nouveau, que ça me permet de bouffer et que ça s'arrête à peu près là...).

5 : Déjà que ce n'est pas simple tout court étant donné qu'une bonne partie du temps se passe sur la route...

6 : Et des moyens modestes donc encore plus de travail pour arriver à un résultat digne de ce nom...


03/07/2014
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Petit tour d'horizon des questions liées à la production

Bonjour à tous chers amis !

 

Aujourd'hui on parle un peu de la production. Je me suis en effet rendu compte que, si je fais toujours référence à la production dans mes chroniques, je n'ai jamais fait de papier spécifique sur le sujet et pourtant il y a moultes choses à dire ! Ce billet se veut comme une prise de contact, nous nous pencherons sur des questions plus complexes un de ces jours...

 

Commençons par préciser notre sujet. Quand je parle de production je parle en réalité de la production dite « artistique », c'est-à-dire, la réalisation d'un disque. Ce n'est qu'une partie de la production au sens large qui va, elle, de l'organisation du travail, avec toute la logistique que cela suppose – location du studio, logement et bouffe pour les artistes et techniciens, planning, etc... –, ce qu'on appelle la production exécutive, à la vente du produit avec ce que cela suppose de frais de communication, de campagnes à mener, etc... Vous voyez comme ça à l'air passionnant ? Maintenant vous savez pourquoi, quand je parle de production, je ne parle que de la partie artistique – même s'il y a souvent des anecdotes assez dingues liées à des producteurs qui le sont tout autant, on en parlera peut-être une autre fois.

 

 

Il va de soi que produire un disque est aujourd'hui d'une facilité déconcertante et n'importe quel musicien qui a deux, trois relations en compte au moins une qui a de quoi enregistrer quelques titres à la maison. Avec les progrès indécemment spectaculaires des nouveaux logiciels et l'absence totale de scrupules de la plupart des personnes à les pirater sauvagement, le software a tout envahi et l'immense majorité des logiciels qui ne sont pas immédiatement oubliés sont bluffants. Le software a tellement tout envahi qu'on ne le trouve pas uniquement sous forme archi crackée dans le home-studio tout pourri d'un guitariste autiste. Les studios professionnels s'y sont bien sûr mis ; avouez qu'un ordinateur où toutes les bandes sont stockées en numérique qui permet un accès instantané aux données est quand même plus pratique qu'un magnéto à bandes analogiques. C'est là qu'il convient de s'arrêter un moment. L'un est-il mieux que l'autre ? N'écoutez pas les cons de tout poil qui vont vous sortir que l'un l'est sans conteste parce que machin ou because thing... Il faut être totalement aveugle pour ne jurer que pour une seule technique et ce pour trois raisons : la musique peut plus ou moins bien se prêter à tel ou tel type de production, le type aux manettes peut être un putain de génie dans son domaine et enfin, ça fait quand même bien longtemps que des types malins savent marier les deux écoles avec élégance.

 

Car oui, c'est avant tout une histoire d'école. Et c'est aussi une histoire de types tellement cons et engoncés dans les propres méthodes que les uns ne voient pas que le numérique a fait des progrès techniques hallucinants pour atteindre aujourd'hui une qualité sonore théoriquement parfaite et que les autres snobent joyeusement ceux qu'ils considèrent comme des dinosaures, tout fascinés qu'ils sont par la déferlante de technologie et tellement omnubilés par leur quête du son parfait qu'ils en oublient qu'on doit avant tout chercher le son juste, le son vrai. Et parfois, le son juste et vrai est très loin d'être parfait : le Black Album (Metallica - 1991) de Metallica est un grand album, mais j'ai toujours eu du mal avec ce son à la serpe propre comme un hôpital hélvètique, de même j'ai toujours détesté le son de batterie de Veuillez Rendre l'Âme à qui Elle Appartient de Noir Désir (1989) qui ne me paraît pas en accord avec l'esprit du disque. À la décharge des uns comme des autres, la production est un domaine tellement compliqué qu'on comprend aisément qu'on peut passer toute une vie sur un seul du plus spécifique de ses domaines et mourir sans en avoir percé tous les secrets, loin s'en faut. Devant l'impossibilité d'atteindre la perfection et l'absence de toute pertinence dans la poursuite d'une telle chimère, c'est surtout une affaire de goût en fait. Moi qui suis fan des grands classiques de l'histoire du rock, je suis bien sûr beaucoup plus coutumier du son analogique et ce de l'enregistrement jusqu'au mastering(1). Le son d'un album comme Darkness on the Edge of Town (1978) m'a toujours scotché, comme celui de Axis :Bold As Love (1967) de the Jimi Hendrix Experience, celui de Exodus (1977) de Bob Marley, celui de Kicking Against the Pricks (1986) de Nick Cave and the Bad Seeds, ou de After the Gold Rush (1970) de Neil Young. L'analogique c'est un grain et c'est surtout une manière particulière d'encaisser la saturation. Je vous donne un exemple : si vous écoutez un titre comme See Me, Feel Me(2) vous vous rendrez compte que les toms de batterie sont trop forts et qu'ils saturent copieusement ; cependant cette saturation analogique pre-mastering – comprenez que le master a déjà été ramené à un niveau d'écrêtage normal et qu'on écoute en réalité l'enregistrement d'une saturation – n'est en rien désagréable, le grain est chaleureux et donne à la frappe de Keith Moon une incroyable puissance. Et bon nombre de mix de l'époque saturent, comme presque toutes les parties de batterie de Transformer (1972) de Lou Reed – écoutez le charley sur Andy's Chest ! De nos jours, après des productions de plus en plus dégueulasses depuis la fin des années 70 – paradoxalement tout au long d'une période où le matériel devenait de plus en plus performant et où les ingénieurs élaboraient chaque jour de nouvelles techniques et de nouveaux outils – le son vintage est à la mode et le plus souvent pour servir une musique qui sonne elle aussi particulièrement old-school. C'est même devenue une sorte de philosophie : les Kitty, Daisy & Lewis inscrivent même la liste complète du matériel vintage utilisé en session sur leurs disques ! D'ailleurs ils sont meilleurs pour trouver le son que pour jouer une vraie bonne musique... ou alors le meilleur de leur musique est leur son ! À vous de voir...

 

On argue souvent que le numérique c'est du chiqué, que tout est recalé, trafiqué, édité et qu'on peut faire jouer correctement un groupe tout pourri ou faire chanter une chèvre comme un rossignol. C'est vrai. Avec les séquenceurs actuels, tels que Pro Tools, Logic, Cubase, etc... on peut en quelques clics faire jouer un batteur pas très bon parfaitement dans le temps, simuler un groove de bon aloi, bref, le rendre « bon ». Certes, ça ne sera pas Tony Allen ou Max Roach, mais ça sera suffisamment transparent pour que même une excellente oreille ne puisse déceler quoi que ce soit à la supercherie. On peut aussi réaliser des montages presque totalement invisibles de plusieurs prises pour créer de toute pièce une nouvelle partie musicale. On peut recaler un groupe entier au tempo simplement en indiquant à l'ordinateur le nombre de battement par minutes : il se charge de repérer les zikos qui n'étaient pas tout à fait dedans pendant la prise et en déformant le temps sans déformer le son. On peut créer des voix de choeurs qui harmonisent la voix lead en clonant et trafiquant cette dernière. On peut corriger les défauts de justesse d'un chanteur en corrigeant la hauteur de ses notes, son intonation, son éventuel chevrotement disgracieux, on peut épaissir et travailler le timbre de sa voix... D'ailleurs, la musique commerciale a depuis longtemps généralisé l'usage de l'autotune (3) comme élément « artistique », c'est-à-dire en ne cherchant nullement à camoufler la transformation chimique de la voix : c'est pratique, non seulement les pires casseroles chantent justes, mais le grand public est aujourd'hui habitué à entendre cet effet, on peut donc lancer des gens totalement incapable de chanter dans la musique, quitte à leur coller du playback en « concert ». Oui, le numérique est un monde de bluf qu'on utilise bien souvent pour manipuler ; mais ça ne suffit à le couvrir d'infamie : du temps des bandes analogiques aussi on éditait, on montait, on truquait. C'est juste que ce qui se fait en quelques clics aujourd'hui demandait un temps et une ingéniosité fous. Pour les prises particulièrement difficiles, on pouvait par exemple passer la bande au ralentit – en corrigeant la chute de hauteur pour conserver la tonalité d'origine. Bien sûr, on savait aussi faire de l'édition et du nettoyage. Mais il fallait commencer par copier les bandes car presque toutes les opérations étaient destructives et pour cela pas d'autre choix que de rembobiner le magnéto, de mettre une bande vierge sur une piste libre, d'activer en même temps la lecture et l'enregistrement et d'attendre... Après seulement vous pouviez vous mettre à bosser... avec des ciseaux et de la colle entre autres ou alors en enregistrant des silences sur les zones à effacer avec à chaque fois le risque d'effacer trop de bande et d'être contrait de tout reprendre depuis le début. De nos jours, le montage et le nettoyage des pistes demande toujours du soin, mais tout est facilité par l'usage de l'écran de l'ordinateur qui donne une représentation visuelle du son qu'on finit pas lire aussi naturellement que son propre langage. Sous nos yeux les morceaux sont visible d'un coup d'oeil avec toute leur structure, leur intensité, même le rythme apparaît très clairement via les crêtes... Et c'est quand même un progrès ! D'ailleurs, ce n'est pas parce qu'on utilise l'ordinateur qu'on ne peut pas utiliser de bandes analogiques : on peut transférer les bandes sur l'ordinateur pour réaliser plus facilement les manipulations fastidieuses puis rebalancer le tout sur le magnéto. En fait, de nos jours on peut faire un peu ce qu'on veut tant qu'on sait ce que l'on fait et qu'on garde bien son objectif en tête. Les outils actuels sont d'une puissance et d'une qualité que beaucoup ne soupçonnent même pas : les modélisations d'instruments, par exemple, sont aujourd'hui tellement réalistes que deviner si l'orgue Hammond qu'on entend sur tel ou tel disque est un vrai monstre en bois avec une cabine Leslie et trois claviers ou un pauvre keyboard 25 touches plastique branché en USB sur une bécane.

 

Alors bien sûr, après tout est affaire de choix artistiques. J'apprécie la démarche de groupes qui choisissent de ne travailler qu'en analogique pour donner à leur musique la couleur qui lui sied le mieux : je ne peux pas jurer qu'il soit totalement analogique(4), mais l'album de Valerie June, Pushin' Against a Stone sonne de la sorte et cela colle tellement bien avec cette musique authentique, truffée d'influences de genres désormais vénérables issus de toute la musique noire, jazz, blues, gospel et volontairement très référencée... C'est aussi le rôle du producteur : à lui de voir comment faire sonner son disque pour qu'il magnifie la musique. En fait, c'est le plus important... les puristes et les tricheurs ne seront jamais d'accord mais ils se fourvoient peut-être tous : la technique ne peut être mise de côté quand on parle de musique enregistrée, elle est même indéniablement un élément artistique, mais on ne fait pas un bon disque uniquement là-dessus.

 

C'est tout pour ce petit tour d'horizon des questions que pose la production : on a devant nous un très vaste sujet à explorer et on y reviendra très bientôt !

 

 

 

 

1 : Encore qu'en écoutant un CD, c'est bien sûr un master adapté, une remasterisation, que l'on écoute.

2 : Repris en français par un groupe R'n'B aussi ridicule que tragiquement mau-hoho-vais ?

3 : Bien que ça ne soit pas si automatique que cela dans les faits...

4 : Ben oui, comme je le disais les outils sont de plus en plus bluffant... et on peut désormais imiter presque à la perfection le grain de l'analogique grâce à des programmes numériques...


17/04/2014
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Création aveugle ?

Quand on crée, on ne sait jamais totalement où l'on va. Peu importe que les moyens que l'on met en place soient eux relativement bien définis ou que la forme soit préexistante à ce que l'on cherche à faire – la forme dictant bien souvent les moyens. Peu importe que le chemin soit balisé, on peut toujours se planter, trouver des moyens de sortir des sentiers battus. Un accident de parcours est lui aussi vecteur de création ; même si ces accidents ont quelque chose d'étrange car on ne sait jamais exactement comment ils ont surgi et bouleversé l'accouchement pourtant planifié. Si l'on crée sans mystère, on perd la substantifique moelle, l'essence, le coeur, l'âme. Alors, bien sûr, l'imperfection est en embuscade et les errances d'un processus créatif peuvent nuire à l'ensemble idéal que l'on se figurait. Parfois la création, quelle qu'elle soit, se révèle bien loin du sentiment qui l'avait inspirée ; comme une entité qui aurait sa volonté propre et qui échapperait au contrôle de son créateur. Dans ce cas, il faut tout recommencer, encore et encore, jusqu'à ce que l'Émotion Première soit retrouvée. Dans d'autres cas, l'accouchement se passe à merveille, mais le résultat est artificiel : il faut, là aussi, tout recommencer, encore et encore. Alors, certes, on finit par suivre un sentier battu et rebattu, mais c'est une route créée soi-même à force d'errance dans la forêt vierge, un cheminement intérieur qui peut se faire les yeux fermés ; l'important c'est que l'on aie tracé cette route, cet accès vers l'Idée, ce pont entre la création et ce qui l'a inspirée, soi-même, patiemment, avec respect. Savoir où l'on va d'emblée, croire avoir la maîtrise suffisante pour pouvoir enfanter de n'importe quoi est un leurre. C'est confondre l'émotion et le sujet : l'artiste doit tendre à l'émotion, au sentiment, à ces choses qui n'ont pas de bornes, ces choses qu'on ne saurait communiquer conventionnellement. Le sujet, l'histoire, la narration sont des ressorts artistiques, mais l'important est ce qu'ils peuvent évoquer, leur portée émotionnelle ; là encore, à trop user d'aussi grossières ficelles, on peut se vautrer dans des poncifs si éculés qu'on ne touchera personne. C'est pourtant comme cela que la création raisonne, mais ne résonne plus en nous. C'est pour ça que créer doit passer par le doute, l'errance, souvent la solitude. Si l'on sait où l'on va, on n'est plus dans la création, on est dans la fabrication, dans la froideur industrielle où c'est la mort qui nous guette.


02/01/2014
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High Hopes, le nouveau Springsteen

High Hopes... Un titre qui ne colle plus vraiment avec les attentes des fans du Boss après trois disques sans intérêt artistique même si le dernier en date, Wrecking Ball (2012) avait sérieusement relevé le niveau. L'ami Bruce a certes toujours des choses à dire, mais plus rien à prouver et on sent que les derniers albums relevaient plus de la récréation que du travail acharné mené sur ses véritables joyaux.

 

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Toujours est-il qu'en ce lundi 25 novembre il dévoile son nouvel album dont la sortie est prévue pour le 14 janvier. J'ai eu une petite grimace en découvrant que Brendan O'Brien était de retour à la prod' même si Ron Aniello est toujours de la partie. L'ami Tom Morello sera plus présent que jamais puisqu'il est invité sur plus de la moitié des titres. Je ne sais pas encore quoi penser de tout ça quand on sait que le E-Street Band compte déjà dans ses rangs un des meilleurs guitaristes de la planète en la personne de Nils Lofgren et que Van Zandt comme Springsteen sont très bons eux-aussi. Morello a un langage bien à lui avec une gratte entre les mains, mais il reste à vérifier que la mayonnaise prendra.

 

 

Pour le moment, seule la chanson titre est écoutable - normal, le single sort aujourd'hui - mais nul doute qu'on aura accès à d'autres titres sous peu. Cette chanson, High Hopes donc, laisse tout de même augurer du bon et la rythmique à la Bo Diddley - qui est une clave cubaine en réalité -, pas revue chez le Boss depuis She's The One en 1975 fonctionne très bien avec l'ajout de percussions et d'accordéon. Je dirais même que ça donne franchement envie de découvrir le reste parce que c'est vraiment très réussi !

 

On se donne rendez-vous le 14 janvier pour une chronique complète et jeudi pour un nouveau blog vidéo !

 

Bonne semaine chers amis !


25/11/2013
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