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Quid Novi Rock'n'roll ?

Rodriguez – Cold Fact, 1970 & Coming From Reality, 1971

PREÈMIRE PUBLICATION SUR POP SUCKS, ROCK ROCKS EN MAI 2013


 

 

Allez hop ! J'ai une chanson en gestation mais ça ne vient pas alors en attendant que ça vienne, voici une petite chronique dominicale sur le phénomène Sixto Rodriguez, star maudite car ignorante de son propre succès durant la majeure partie de sa vie. Je ne vous fais pas l'insulte de vous ressortir toute l'histoire, pourtant incroyable, on peut la trouver partout sur internet depuis que le biopic Searching For Sugar Man (2012) de Malik Bendjelloul a cartonné partout dans le monde, surpassant en termes de nombre d'entrées et de longévité à l'affiche bon nombre de films tout en n'étant projeté que dans les cinémas indépendants... À ce propos, le film est vraiment très bon, je vous le recommande chaudement. C'est par la B.O du film(1) – tirée des albums de Rodriguez – que j'ai découvert les premières chansons et que je me suis rué dans le cinéma le plus proche prendre une bonne grosse baffe. J'ai donc pris sur moi d'acheter les deux seuls albums jamais sortis par Rodriguez qui, devant « l'échec » de sa carrière, a repris son bleu de travail jusqu'au jour où il a appris qu'il était une véritable star en Afrique du sud, disque d'or platiné au diamant et surtout idole mystérieuse dont personne ne savait rien que les maigres infos arrachées aux crédits des disques. Passons sur l'arnaque monstrueuse dont il a été victime, son manager et percepteur des droits d'auteur, le légendaire Clarence Avant – qui se livre, dans le film, à un numéro d'acteur assez pathétique une fois confronté –, ne lui ayant jamais fait part de son succès phénoménal en Afrique du Sud et ne lui ayant bien sûr pas versé un centime des milliers de dollars de royalties auxquels il aurait eu le droit... Pas de succès américain est synonyme de fin de carrière ; pourtant, le court laps de temps séparant la sortie des deux albums ainsi que leurs similarités esthétiques sont d'assez clairs signes que ses producteurs croyaient en lui et essayaient de l'imposer ; le premier disque ne marche pas ? Pas de problème on en fait un autre... Comme souvent c'est le disque de la dernière chance... Étant donné que je ne discerne pas de différence majeure en terme d'esthétique entre les deux albums – tous les deux produits et arrangés par Mike Theodore et Dennis Coffey –, je les traiterai ensemble, l'essentiel se situant ailleurs à mes yeux.

 

Sugar-Manfilm.jpg

 

Qu'en est-il de la musique ? Car il est bien légitime de poser la question quand une histoire aussi dingue que celle de Sixto Rodriguez pourrait être le seul prétexte à tout un tapage autour de chansons pas forcément phénoménales. Il n'en est rien. Le bonhomme assure comme une bête à tous les niveaux : dans Searching For Sugar Man, un des producteurs des disques, déclare qu'il considère qu'il fait du Dylan « en mieux ». Je ne me risquerais pas à lui donner tort ou raison, mais la comparaison est presque inévitable. Je trouve cependant l'écriture de Rodriguez parfaitement limpide, bourrées d'images géniales et non dénuée d'un petit côté hot... Quelques petits vers de Sugar Man – probablement un hommage au dealer du coin de Detroit où la fête dans les endroits glauques battait son plein à l'époque – pour vous donner une idée : « Sugar man you're the answer / That makes my questions disappear / Sugar man 'cos I'm weary / Of those double games I hear ». Bon nombre de chansons ont ce ton franchement désabusé et si le refrain est plus poétique : « Silver magic ships you carry / Jumpers, coke, sweet Mary Jane », la dichotomie qu'il provoque accroît plus encore ce sentiment. C'est même parfois franchement désespéré comme sur la magnifique chanson Sandrevan Lullaby – Lifestyles, où la partie vocale, calme mais pleine d'aigreur est aussi glaçante que déchirante. Quant au texte... voilà la fin de la chanson qui passe au crible avec lassitude et tristesse le mensonge du rêve américain à l'agonie essorant sans pitié une société qui y survit dans une routine désincarnée : « America gains an other pound / Only time will bring some people around / Idols and flags are slowly melting / Another shower of rice / To pair it for some will suffice / The mouthful asks for second helpings / Moonshine pours through my window / The night puts it's laughter away / Clouds that pierce the illusion / That tomorrow would be as yesterday ». Pour rester dans le désespéré, la chanson Cause devrait vous achever dès la première strophe : « Cause I lost my job two weeks before Chrismas / And I talked to Jesus at the sewer / And the Pope said it was non of his God-damned business / While the rain drank Champagne ».

 

Coldfact.jpg

 

Musicalement Rodriguez propose un folk assez classique souvent ampoulé d'arrangements assez lourds ou kitsch typiques des productions de studio de l'époque. Je trouve qu'ils ont leur charme et leur place dans l'univers âpre mais non dénué d'humour de l'ami Sixto ; d'une manière générale, les chansons sont tellement bien foutues que ce n'est même pas le débat. Par contre, ça ne sera pas du goût de toutes les oreilles ! Il y a quand même quelques titres où l'orchestration est presque indispensable à la chanson comme la ligne de basse de I Wonder sur Cold Fact, les expérimentations psychédéliques de Sugar Man, les cordes et les percussions sur Lifestyles, etc... Profitons de parler du traitement de la musique pour signaler que les albums offrent un peu plus de variété que ce qui est montré dans le film qui laisse la partie plus rock des chansons de Rodriguez de côté : écoutez donc Only Good For Conversation avec sa guitare électrique au son heavy metal et dites-vous bien que Cold Fact date de 1970 !

 

comingfromreallity.jpg

 

Il est clair, pour finir, qu'on ne peut vraiment juger les albums en tant que tels sans commettre une petite erreur de jugement. Ce ne sont que des albums qui devaient servir à lancer un artiste et si le travail est soigné et de facture plutôt correcte si on considère que les moyens devaient être modérés, je ne peux pas vraiment les placer au Panthéon du rock'n'roll et affiliés... En revanche les chansons de Sixto Rodriguez sonnent avec une telle évidence, une telle justesse... Oui, c'est parfaitement dingue que ce type, qui aurait pu devenir un artiste majeur de sa génération, n'ai été connu que dans un pays loin de chez lui par un concours de circonstances tout aussi dingue... Le seul avantage qu'on en retire, au-delà du romanesque de l'histoire, c'est que s'offrir l'intégralité de sa minuscule discographie ne vous coûtera pas bien cher ! Les deux albums ont été réédités en 2008 par le label indépendant américain Light in the attic qui a – inspiration divine ? – racheté les droits à Sussex Records ; si la qualité du packaging est très discutable, les livrets de chaque album contiennent un long et très instructif texte d'un certain Kevin Howes que je n'ai pas l'honneur de connaître... Le temps du mystère est passé, maintenant on a retrouvé Sixto Rodriguez...

 

 

 

 

 

 

1 : Merci à celle qui se reconnaîtra !



17/09/2013
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