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Quid Novi Rock'n'roll ?

Pop sucks, rock rocks...

PREMIÈRE PUBLICATION SUR POP SUCKS, ROCK ROCKS EN JANVIER 2013


 

 

Bonjour à vous tous et bonne année chers amis.

 

Aujourd'hui, je vous préviens en toute amitié, on va taper dans le chiant. Ben merde, quoi, je me suis crevé le cul à quitter l'université avec les honneurs et une mention de beau gosse, je suis parfaitement qualifié pour me la donner un peu avec toute la modestie dont aurait fait preuve, en son temps, un shah iranien. Pourquoi Diable allons-nous donc taper dans la lourdeur stylistique et l'argumentaire grossier ? Parce qu'aujourd'hui est venu le Jour où je me sens prêt à décrypter le message qui, comme le plus flamboyant des étendards numérique, orne la bannière de ce désuet myspace : « Pop sucks, Rock rocks... ». Je vous le traduirais bien en latin pour faire un peu plus branleur, mais s'il y a un connard de latiniste parmi mes lecteurs adorés, il verra bien vite que « Popae nulli, Rock dechirus(1) » c'est une licence masturbatoire... et je ne peux pas me résoudre à faire ça à un gars assez brave pour prendre le temps de lire mes conneries. Place maintenant au débat !

Pour ceux qui vraiment ne font aucun effort d'aucune sorte, la phrase en question dans notre étude du jour(2) signifie, ni plus ni mois, mon aversion pour le genre dit de la « pop music » et mon amour immodéré, voir mentalement aliénant, pour le bon vieux rock'n'roll. Précisons, quitte à faire mentir l'adage certifié sous vague copyright par l'auteur, « À bas le relatif et vive l'absolu », que cette sentence lapidaire à la péremption aveugle ne reflète qu'une réalité incomplète et ridicule, justement, dans l'absolu. D'une part, les deux univers sont parfois très perméables et il est ainsi assez artificiel de le séparer ; mais je m'efforce de le faire aussi bien par honnêteté que par une certaine dérive idéologique impardonnable de ma part dans les milieux autorisés auxquels, Dieu merci, ce blog est totalement étranger. D'autre part, pour les lecteurs réguliers, vous savez bien qu'on ne parle pas ici de sujets aussi réducteurs et que, si la grande majorité des billets ont trait au rock ou à la culture rock, j'y parle avant tout de ce dont j'ai envie de parler. Aux nouveaux : bienvenue dans l'antre de la mauvaise foi et de la fourbe palabre.

 

 

J'accuse !

De pop, parlons-en et cernons un peu notre objet : il y a différentes formes de pop et je veux aujourd'hui me contenter de parler de la « brit-pop » made in France ; cette aberrante horreur qui hante désormais les lieux les plus respectables. En fait et pour résumer le problème en quelques mots, je ne la trouve pas moins aberrante que la façon dont les français ont autrefois essayé de faire du rock entre 1960 et 1970, avant même que les maisons de disque s'en mêlent et achèvent de donner au tout ses plus grotesques représentants. En gros, on est bien plus dans le plagiat esthétique que dans l'acte artistique qui anima les modèles adulés.

La forme, je m'en tamponne pas mal : la musique est même souvent pleine de bonnes idées et parmi les meilleurs musiciens s'essayent au genre avec une passion évidemment non feinte. Non, l'important, c'est le sacrifice total de l'idée artistique au profit d'une musique totalement vide de sens – le tout avec pourtant un sérieux qui brise le cœur... Parce que le popeux de base, sous son petit pull à col roulé, il a bien souvent l'âme d'un aristocrate – vous me direz quand on joue dans un groupe « de rock » à la mode, on le comprend. Si par pop on ne désigne plus qu'un effet de mode, si on réduit le côté populaire à un bête courant esthétique ne portant rien susceptible de vous illuminer la cervelle, alors oui, Popae nulli... D'ailleurs, ce n'est pas si compliqué : aucun de ces groupe ne chante en français – ou alors avec quel résultat ! – et l'emploi de paroles découle totalement du désir d'achever de bâtir ce fantasme esthétique(3). Peu importe, dès lors, qu'une chanson soit l'oeuvre d'un audacieux poète bilingue, d'une petite amie dévouée qui porte les guitares et écrit les chansons du groupe ou d'un infâme tâcheron qui laisse ses textes déjà nuls en français aux bons soins du Google Translator, inlassable créateur de prose ; seule compte sa faculté à apporter la matière sonore vocale nécessaire à l'absolu respect du cahier des charges esthétique. Pouah ! Comment peut-on, une seule seconde, se laisser aller à pareil conformisme ? C'est une idée antagoniste même à celle de création ; c'est la singularité, avant la qualité formelle, qui doit parler à la part sensible et irrationnelle de notre âme ! C'est dans ce recoin de la sensibilité que nous devons pleurer ou nous ruer dans la fosse pour danser jusqu'à l'arrêt cardiaque. En singeant l'acte artistique on ne lui rend pas hommage, on le viole. Autant lui tirer directement une balle dans la tête(4) et faire de la véritable pop française : la variété ; c'est moins jeune, c'est moins cool, mais pour le moment c'est toujours ce qui se vend le mieux et demeure le plus court moyen de passer à la télé par le biais musical.

Que reste-il alors ? Du matos vintage hors de prix, des fringues à la mode – enfin, comprenons-nous, des fringues à la mode six mois avant en Angleterre si vous êtes à Paris, et à la mode à Paris un an auparavant si vous êtes en province – et une musique tout de même assez intéressante sur le plan purement technique. En fait, c'est aussi là toute la différence avec les grands courants musicaux de ces dernières décennies : c'est une mode dominée par une petite portion de la jeunesse, trop aristocrate pour se contenter des genres laissés à la plèbe aveugle et imbécile, les grands succès FM standardisés où les derniers soubresauts d'un hip-hop appartenant définitivement au passé. Si tous les grands courants pérennisés par la ferveur de son public ont en commun de rassembler la jeunesse, ils l'ont presque toujours fait autour d'une cause en rupture sociale avec la génération précédente. C'était sûrement tout aussi imbécile parfois, mais au moins ça avait de la gueule ; on bafouait l'ordre établit de toutes les manières possibles et en plus de ça on avait des refrains de folie à lui balancer à la face ! Parce qu'avoir une cause ne crée pas seulement les fatales dérives idéologiques néfastes à tout épanouissement potentiel, c'est aussi un moyen de provoquer l'étincelle créatrice, la vie dans toute sa fureur, enfouie dans son être sous des montagnes de conventions sociales héritées d'un autre âge. C'est ce qu'a fait le rock'n'roll, ce qu'a fait aussi le hip-hop en son temps(5). La french-brit-pop, elle, ne semble rien revendiquer que sa propre vacuité – rappelant en ça la musique des années 80. Je pourrais très bien m'en satisfaire si elle avait quoi que ce soit de réjouissant, mais je la trouve désespérément terne sous ses chemises bigarrées ; ce n'est peut-être là plus qu'une question de goût...

Allez, après cette déferlante qui m'a fait l'effet d'une joyeuse branlette au milieu d'un océan de nymphes en tutu, mettons un peu d'eau dans ce vin à saouler un polonais russe. D'une part, je me contrefous(6) de la pop et de son public, même si, et sûrement de manière arrogante, voir des gens a priori pas idiots se masser ensemble dans le même uniforme sans avoir pourtant rien à dire me fait un peu mal cœur ; d'autre part, ce que je critique est l'absence de fond dans une forme tout à fait tolérable ; on peut très bien concevoir, depuis qu'on a emmené l'art contemporain dans les plus hautes sphères du nawak que la forme peut elle-même être génitrice de fond. Nonobstant le fait que je trouve absurde que la logique du dernier argument soit appliquée à un genre dit « populaire », je peux concevoir que je n'y suis pas du tout et que l'absence de fond et de fondement artistique n'est là que pour pointer du doigt, avec une dure ironie que manient si bien les vrais artistes, la pauvreté intellectuelle de notre époque, triste réceptacle des délires de la droite décomplexée, du capitalisme triomphant y compris sur les dernières terres de libertés, de l'accroissement incessant de la domination de l'industrie du loisir sur les terres désolées de la culture véritable, riche et libre, qui rassemble à grand peines les loques de son fier étendard en charpie, de ci, de ça, bla, bla, bla... Bref, je ne mets pas vraiment d'eau dans mon vin ; peut-être que la jeunesse à laquelle j'appartiens a juste besoin de penser à autre chose. C'est couillon, on a pourtant du grain à moudre.

 

 

En même temps c'est vieux comme la musique

Ou presque ! Entendons-nous : ce phénomène est vieux comme l'entrée de la musique dans le champ des arts et dans l'imaginaire des artistes et de leur public. Ben figurez-vous qu'on ne va pas parler de tout parce que ça risque de me gonfler encore bien avant vous !

Des autres dérives de l'esthétisme on ne va garder que quelques exemples. Prenons le punk(7). S'il est souvent associé à un courant social, très pauvre musicalement, il est par nature profondément artistique : il s'agissait avant tout, dans une époque qui le réclamait, de revenir à la puissance primitive du rock. Les idéologues n'ont mis la main dessus qu'un peu plus tard. L'Anarchie, en tant que gage de liberté et non en tant que dogme était alors le vrai leitmotiv du mouvement – surtout composé de jeunes anglais souvent trop peu instruits pour profiter pleinement de la lecture du Capital ou de tout autre ouvrage de philosophie politique. Si on peut aujourd'hui dégager quelques éléments musicaux constitutifs de l'esthétique punk, dont Never Mind The Bollocks... des Sex Pistol pourrait être le plus majeur manifeste, on peut aussi considérer que le Clash, LE groupe emblématique s'il en est un, n'a donné à entendre « du punk » que sur quelques disques (The Clash, Give'em Enough Rope) et, qu'aujourd'hui encore, l'écoute de London Calling ou même de Sandinista selon des critères purement esthétiques induirait en erreur quand à leur ancrage profond dans le courant punk. Parce que musicalement, sur ces deux albums, qui ne sont cités qu'à titre d'exemples, on a de tout sauf ce que l'on considère aujourd'hui comme du punk, et ce bien que la chanson titre du premier en ait la rage et la puissance. Inversement, c'est en se séparant des ingrédients musicaux presque clichés du punk que le Clash en est venu à chanter des titres de plus en plus imprégnés d'idéologie communiste ; Sandinista, par exemple, est une chanson de soutient à la révolution Sandiniste alors que White Riot était clairement un appel à l'émeute, sans véritable message politique. De nos jours encore, pas mal de groupes punks font dans le tract chanté avec les amplis à burnes et continuent un combat antédiluvien contre le forces du mal impérialo-capitalisto-pouet-pouet avec un acharnement mécanique.

Pour changer radicalement de point de vue sur la question on peut aussi prendre le cas de la chanson française. Combien de sous-Gainsbourg comptons-nous ? Un autre excellent exemple synthétisant assez bien ma pensée serait le cas des Têtes Raides, un groupe qui a su faire à merveille et de manière sûrement bien plus originale et personnelle, du rock purement français et non pas une énième et maladroite copie des formations anglo-saxonnes. Un bien donc ? Si on veut... Dans la lignée des Têtes Raides, on a vu sortir tout un tas de formations jumelles, clones plus ou moins ratés. Ce n'est pas un mal en soit, la musique se fait comme ça, l'art se fait comme ça ; Picasso ne disait-il pas qu'en ratant une copie on créait au moins quelque chose ? Mais, au même titre que les groupes singeant la brit-pop précédemment incriminés sans trop de pitié, ces formations évoluant, sûrement de manière sincère et passionnée, dans les traces d'un inspirateur talentueux ont souvent laissé voir un excellent niveau technique mais une maîtrise des aspects purement artistiques, comme les textes, assez farfelue. Le problème c'est, qu'à ce niveau, Christian Olivier est presque trop doué : beaucoup de ses textes semblent garder leur mystère tout en assumant une construction géniale et regorgeant d'images poétiques, de jeux de mots, de sonorités délicieuses et autres réelles joyeusetés. Ce talent reconnu a sûrement contribué à en reconnaître d'autres – on peut penser à la Tordue, fière d'au moins un excellent album, Les Choses De Rien, (1995) –, mais aussi à engendrer tout un tas de bâtards. Je ne compte plus les groupes de chanson qui ont essayé de faire du Christian Olivier : accumulation de jeux de mot sans autre intérêt qu'eux-mêmes, figures de styles inutiles dans le débat, rimes pachydermiques, allitérations mutilantes et forcées, usage du bizarre totalement hors de propos, etc... Un auteur, c'est un auteur ; on peut avoir des influences, être fasciné par l'oeuvre d'un autre, on ne peut en aucun cas devenir cet autre ou phagocyter son talent. C'est parfois aussi crédible qu'un gamin se moquant du théâtre contemporain en se figurant une scène nue et une comédienne assise sur une chaise débitant d'un ton morne un texte sans queue ni tête. En somme, on en revient au même problème : on se roule dans une esthétique sans faire l'effort de la comprendre.

D'ailleurs on pourrait reprocher cette confusion au blues moderne qu'ont popularisé Clapton, Stevie Ray Vaughan ou Alvin Lee – je ne cite pas BB King parce qu'il est black, ça fait plus authentique. On est plus souvent dans la célébration d'un guitar hero que dans les profondes racines du blues dont n'est finalement reprise que la forme traditionnelle en douze mesures. Après, soyons honnêtes avec ce genre, il y a quand même une véritable expression dans cette forme modernisée du blues, une évolution même assez logique puisque tirailler et martyriser une guitare électrique pour cracher ses propres tripes, c'est finalement une attitude qui sent bon le bleu... Mais d'autres perpétuent l'héritage du blue d'une manière sûrement plus intéressante : ruez vous sur les Moutain Men s'ils passent près de chez vous ou sur leurs disques si ce n'est pas le cas – ce duo franco-australien contourne le problème avec un talent à pleurer(8) !

 

Dernier point sur lequel je tiens à insister pour m'assurer de n'être pas mal compris : je pense qu'aller piquer des idées et des éléments esthétiques à droite à gauche est une chose très saine. Je pense que se figurer qu'on va faire la même chose qu'un tel ou un tel parce qu'on aime ça est un sain divertissement. Je pense que le faire dans le cadre d'un effet de mode avec des prétentions artistiques mal assumées ne donnera au final qu'un duel au sommet entre les meilleurs imitateurs ou seul l'aspect technique ou la qualité et – et heureusement – l'intelligence de la copie seront pris en compte pour en mesurer l'intérêt.

 

Des trucs d'intello...

Je conviens volontiers que le rock que je défends si ardemment n'est pas un domaine où les diatribes prétentieuses de dix pieds de long comme celle que je suis en train de pondre sont des choses particulièrement valorisées, mais disons que j'essaie ici d'exprimer et de mettre à plat un malaise que je ressens depuis un moment. Ce qui me motive c'est aussi la tristesse de voir tant de groupes se ressembler entre-eux tout en essayant de ressembler à d'autres. On pourrait d'ailleurs me renvoyer très justement à la mouille que mon propre groupe est un des très nombreux bâtards de la Rue Kétanou... C'est marrant, mais je suis fier de cet héritage parce que ça me ramène à ma période lycéenne, que le groupe a trouvé sa maturité et surtout, que nous sommes toujours là alors que la vague est retombée depuis longtemps et que si nous nous étions contentés d'y surfer on aurait plus rien à dire depuis longtemps alors même qu'artistiquement nous n'avons jamais été plus épanouis et libres. J'aime bien aussi l'idée d'appartenir à un courant mineur et plus ou moins révolu ; ce n'est pas tant par nostalgie que par fierté : on a commencé à chanter parce qu'on aimait ça ; maintenant on en a besoin.

De toute façon, le rock est mort lui aussi. Il ne survit qu'à travers des stars d'un autre âge et dont seule l'oeuvre sera éternelle. Les rockers cannent les uns après les autres et les grands d'entre-eux encore en vie n'ont pas tous résisté à la tentation de raccrocher les gants. Même si je ne jure que par ça, je refuse de penser que c'était mieux avant ; les mouvements se font toujours en réaction au précédent : je peux vous dire que finalement voir que la dub-step, la pop-FM à la con, les éternelles starlettes préfabriquées en usine et la brit-pop standardisée sont les courants du moment laisse présager du meilleur pour l'avenir : la musique, plus c'est nul, plus la réaction est virulente !

 

On en reparle dans vingt ans !

 

 

 


NOTES :

 

1 : Prononcez néanmoins « dékirus », ça fait plus chic et ça peut donner le change cinq bonnes minutes. Alea jacta est. (Merde, un ou deux « l » à « alea »? ; à prononcer « Yakta pour donner le change cinq minutes de plus...)

 

2 : « Dites donc, les deux au fond, oui, vous ! ça ne vous intéresse pas ce que je raconte ? Je reprends pour les deux du fond... »

 

3 : D'ailleurs, comme l'a si bien dit l'ami Melchior Liboà un soir de débauche : « Faire du rock'n'roll en français, c'est comme faire du flamenco en allemand ». (Sentence également sous vague copyright de l'auteur.)

 

4 : Ou, pour pousser la métaphore, dans celle du spectateur qui est fatalement victime de l'appauvrissement des œuvres.

 

5 : D'ailleurs, au rayon hip-hop les rappeurs français ont souvent su, un temps au moins, ne pas tomber bêtement dans le plagiat décérébré et créer un flow adapté à leur langue et vocable.

 

6 : J'avais écrit « je me branle », mais après la phrase précédente c'était sûrement de trop. C'était la note director's cut.

 

7 : NOTE POSTÉRIEURE À LA RÉDACTION DE LA CHRONIQUE : Je vous conseille chaudement de lire l'article « Punk as propaganda » que vous trouverez dans le recueil Rock/Music Writtings de Dan Graham – édité en français également. C'est intéressant au plus haut point et sévèrement documenté.

 

8 : Je vous chronique ça un de ces jours de toute manière !



11/09/2013
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