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PREMIÈRE PUBLICATION SUR POP SUCKS, ROCK ROCKS EN MARS 2011

Merde. Me voilà bien malheureux ; maculé par l'opprobre comme par un onguent nauséabond. Il y a quelques semaines, j'avais regagné ma ville natale pour y résoudre des pépins administratifs et une fois ceux-ci non résolus en raison de pièces manquantes et d'aberrations que je ne m'explique pas, j'ai poussé la porte de mon bar favori : le Coquelicot. Et là... une bonne paire de baffes façon coup droit et revers. Primo, il y a du hip-hop dans ce caf' conc' étiqueté chanson française et, secondo, ça claque !

Mon désarroi vient du fait que, pensant innover et gâter mes lecteurs, je me suis livré à une petite interview éclair, pensant m'atteler peinard à la rédaction de la chronique le lendemain. Il n'en fut rien et je me retrouve un peu emmerdé. Mes souvenirs se sont dilués dans l'épaisse mélasse dans laquelle j'ai tenté de surnager ces dernières semaines – une gageure, tiens ! Bref, je me retrouve avec une interview menée à l'ancienne – comprenez, papier et crayon – et tambour battant : « C'est un peu court, hé ducon ! »

Pardonnez-moi pour l'infâme bricolage auquel je dois me livrer, je n'en suis pas fier, mais – et je pense que vous l'aurez compris – je tiens absolument à vous parler de Cabadzi. Mais je n'ai plus la matière pour le faire comme je l'aurai souhaité. Du coup, ça ne sera pas une vraie chronique. Pas une vraie interview. Pas un vrai récit de concert avec de l'émotion et de la sueur. Ce ne sera pas. Pas.

Alors je vais commencer par le plus important : tâcher de vous amener à vous intéresser à cet obscur quatuor. Et c'est capital car le hip-hop français qui sombre dans la fumisterie la plus totale depuis la fin des années 90 peut se vanter de trouver avec Cabadzi un îlot de talent, un havre de paix – rayez la mention qui vous paraît la moins appropriée. Certes, tout n'est pas perdu de ce côté ; interrogés sur le sujet, les musiciens me certifient que NTM et IAM appartiennent à une époque révolue, ce qui est triste, mais qu'il y a quand même une bonne portion de hip-hop dit « alternatif » – je n'en peux plus de ce mot à la noix – qui a quand même une sacrée pèche : la Caution, Klub des losers, TTC, Klub des 7 – auteurs, au passage, d'un put... d'album, La classe de musique, l'an passé. Ils ont aussi parlé de Wax Tailor : une influente influence assurément et dans tous les cas un groupe atypique dont je ne peux que conseiller l'écoute.

La formation du groupe elle-même ne cache pas qu'elle ne revendique pas unilatéralement son héritage du rap classique. Avec Cabadzi, si hip-hop il y a, ce n'est même pas vraiment rappé, il n'y a point de machines ou alors si peu (un bête looper, pour ceux qui tiennent à le savoir), mais un beat-boxer qui envoie sévère et deux musiciens qui assurent tout autant : nous sommes très loin des poncifs auquel le genre se retrouve si souvent et si stupidement cantonné.

Sur scène ce fut un vrai bonheur. Cabadzi était à l'origine un projet monté dans le monde du cirque – avec l'orchestre de la Révolution Foraine ; je n'en dis pas plus par peur de raconter des conneries – et si cela ne se ressent pas forcément comme une évidence, on sent bien qu'il y a un véritable savoir faire en terme de spectacle – j'en profite pour saluer les deux techniciens dont je n'ai pas parlé. Il y a une vraie création d'ambiance qui ne se vautre pas pour autant dans des dérives conceptuelles. Ce n'est pas du hip-hop new age poético-coincé ; c'est un vrai groupe, qui blague, de façon potache ou non, qui garde son public à ses côtés et qui conclue le show par un morceau en acoustique au milieu de celui-ci – classique et classe. Mon seul regret est que le spectacle, sans être expéditif est très court – en même temps, je pourrais daigner fermer mon intarissable claque-merde sur ce point où je ne peux vraiment donner de leçon à personne – mais bon... quand c'est bon on ne va pas aller cracher dans le rab'.

Après, je serais bien en peine de mener à bien la mission que les trois gus et la gussette qui violoncellise et chante de bien belle façon m'ont confiée : leur trouver une étiquette. Mes lecteurs à peine pluriels savent que ce n'est pas vraiment ma crèmerie de toute manière ; je n'aime trouver que les étiquettes méchantes.

En plus de l'originalité de la démarche et de sa qualité, les textes ont vraiment de la gueule. C'est politique, c'est préoccupé, c'est militant. Pas tellement mon genre d'habitude, mais la qualité de l'écriture enterre peinard le côté tract qui plombe l'immense majorité des chansons pas du tout démagogiques qu'on a l'habitude d'entendre quand on parle de chanson « militante ». « Sans orateur la pensée n'est rien. » (Monde Casino) ou, si on renverse la proposition, l'orateur fait bien pâle figure avec un cerveau téléguidé. Cette philosophie résume assez bien ce que j'ai ressenti en découvrant les textes. Pas besoin de vous faire un dessin : l'Idéologie est foulée au pied, l'Idéologue se fait botter le derrière, des questions allant du cocasse à l'incompréhension la plus sincère sont posées et franchement le tout fait fait du bien. Si vous avez l'occasion, procurez-vous leur album, ou leur « maquette de luxe » comme ils disent, Émeutes de souffle. La démonstration n'est pas aussi impressionnante que sur scène, mais on sent quel genre d'alchimie s'opère.

Pour le reste... si j'ai piqué votre curiosité, j'ai rempli ma mission dont j'ai du revoir les ambitions à la baisse. Il y a un bien beau myspace – où vous retrouverez l'intégralité des textes – où écouter quelques morceaux et trouver les dates de passage près de chez vous. Encore toutes mes excuses pour ce billet en demi teinte et construit avec les pieds. J'en profite pour vous citer Corneille, parce que je trouve ce vers d'une élégance à toute épreuve : « Je vous laisse à vous-même et vous quitte un moment. » ; je croule sous le boulot et il n'y aura pas de nouvelle chronique avant la fin mars. D'ici là... portez-vous bien !