quid-novi-rock-n-roll.blog4ever.com

Quid Novi Rock'n'roll ?

Guiseppe Tornatore – La Légende du pianiste sur l'océan (La Leggenda dell pianista sull'oceano), 1998

 

PREMIÈRE PUBLICATION SUR POP SUCKS, ROCK ROCKS EN MARS 2012


 

 

Bon, c'est promis, je ne ferai pas trop de chroniques de film. Bien qu'étant féru de cinoche, ce n'est pas mon domaine et ce n'est sûrement pas celui de ce modeste blog. Mais il me reste une canette de Grim' à finir – je ne me presse pas, ça doit bien faire une heure que je la sirote – et du coup c'est l'occasion de pondre un petit billet. Pour glaner un peu de légitimité, vous aurez noté à la lecture du titre qu'il sera quand même pas mal question de musique et, à ce niveau, vous serez copieusement servi !

 

novenceto.jpg

 

Beaucoup se souviennent de Guiseppe Tornatore pour Cinema Paradiso (1989) et je fais même partie de ceux-là puisque c'est un de mes tous premiers vrais souvenirs de cinéma. Le même souffle romantique plane sur cette adaptation du monologue génial d'Alessandro Baricco, Novecento. Un monologo – porté brillamment à la scène en France avec Jean-François Balmer dans le rôle du narrateur ; un bon souvenir de théâtre aussi pour le coup. Un narrateur conservé par Tornatore : Max Tonney, un trompettiste de jazz qui vit sa vie au jour le jour et qui, intégrant l'orchestre d'un navire de croisière, va rencontrer le personnage le plus fascinant de son temps, 1900 ou, de son nom complet, Danny Boodman T.D Lemon 1900. Un bien étrange nom je vous le concède. Mais il faut dire que l'histoire du bonhomme, avant de devenir fascinante, était déjà peu banale. Danny Boodman, mécano noir de son état farfouille sous les tables des premières classes à la recherche d'un peu de beurre à expédier dans la sécheresse arides des épinards et fait choux blanc. Il héritera en revanche d'un bébé abandonné, lové dans une caisse de citrons T.D Lemon posée bien en évidence sur le majestueux piano à queue de la grande salle de bal du Virginian, le paquebot qui sert de cadre à la majeure partie de l'intrigue. Voilà pour le patronyme. Ah oui, Novecento, ou 1900 ? Simplement l'année où le petit a été bien heureusement trouvé par son débonnaire père adoptif.

 

Je vous fais grâce du reste de l'intrigue, mais le petit deviendra un musicien absolument virtuose, un véritable génie du piano ainsi qu'un être foncièrement inadapté à la vie : né sur le bateau, il ne le quittera jamais, même poussé par l'amour d'une belle jeune femme pour laquelle il enregistrera sa plus magnifique pièce.

 

On voit très bien en quoi l'histoire a pu séduire Tornatore et son (gros) penchant romantique. Il la met d'ailleurs fort bien en image, même si parfois il fait lui-même un peu trop étalage de sa virtuosité, certes impressionnante mais parfois un peu gratuite. Il nous offre quand même quelques plans tout simplement magiques : si les caméras mouvantes finissent pas donner un véritable mal de mer, il y a quelques mouvements véritablement géniaux et un plan quasi fixe splendide sur l'ami 1900, valise à la main, hésitant sur la coupée.

Bien entendu, la musique est splendide : Ennio Morricone tient la baguette ! Les compositions orchestrales ne sont peut-être pas inoubliables, mais putain, les morceaux de piano ! D'ailleurs on en prend plein la gueule dans une des scènes clés du film – et de la pièce, d'ailleurs –, c'est-à-dire le duel entre 1900, dont la notoriété a depuis longtemps franchit le bordage et a atteint le rivage à la nage, et Jelly Roll Morton, « Inventor of jazz », une personnalité bien réelle qui a complètement transformé le ragtime et déroulé le tapis rouge aux big bands qui ont enflammé les années 30 – ici sous les traits de Clarence Williams III, petit fils de Clarence Williams, lui-même pianiste. Cet affrontement, dont la fantaisie et le souffle épique sont mis en scène avec brio et humour contribue fortement au côté légendaire de l'histoire. Car, et sur ce point là encore Tornatore respecte le ton du texte de Baricco, toute cette histoire abracadabrante de pianiste sur l'océan tire sa force de son accointance avec le domaine du mythique, du conte. Les décors de New York sont en carton pâte, beaucoup de plans sont totalement hallucinés et la photographie est scintillante.

 

Mais la vraie star du film c'est Tim Roth dans les pompes de 1900, le pianiste génial, né et élevé à bord, qui fait toute la renommée du Virginian. Le personnage, fantasque à souhait, est campé avec génie par le comédien britannique. Il fallait plus que du talent pour donner vie à cet être incroyablement complexe : tour à tour trublion qui refuse de suivre la moindre règle, artiste génial et résolument unique, tour à tour torturé, fragile, tragique... C'est même un pari fou qui ne transparaissait volontairement pas dans la pièce de Baricco : montrer et mettre en scène un personnage aussi extraordinaire et mythique relevait de l'impossible et aurait sûrement terni la force épico-cocasse de l'histoire. Il n'en est rien et 1900 est un personnage fabuleux et qui remue... Une autre facette de sa personnalité passe par son indéfectible amitié pour le personnage de Max – Tim dans la pièce –, son seul véritable ami, le seul à connaître les secrets de son âme, ses angoisses – d'ailleurs on peut aussi considérer que 1900 est aussi le seul ami de celui-ci. Le personnage, campé par Pruitt Taylor Vince, s'il est beaucoup plus classique, voir totalement stéréotypé, est lui-même un fort vecteur d'émotions. La scène de leur première rencontre est, sans conteste possible, l'autre pièce maîtresse du film, mais je vous laisse la découvrir, je vous assure que ça vaut très largement le détour et renforce encore la fantaisie mythique du film.

 

Concluons en rendant hommage à l'impertinence omniprésente des deux personnages principaux, elle aussi un peu stéréotypée, mais au combien réjouissante. Tout à leur musique, les deux larrons ne vivent que pour et par elle et elle rythme la moindre de leurs émotions : 1900 refuse obstinément de suivre une partition plus de dix mesures et improvise sans arrêt, au grand dam du chef d'orchestre totalement à la rue – un des nombreux personnages secondaires à la Fellini, totalement caricatural, donnant un air de bande dessinée à cette fresque romantique. Passez outre la mièvrerie qui ne plombe cette histoire naïve que si l'on se focalise dessus, vous passerez un bon moment !

 

Voilà, ma canette vient de s'écraser dans le bac à déchets recyclables, je vais dire deux mots à Morphée et je vous embrasse !



02/09/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Musique pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 9 autres membres