quid-novi-rock-n-roll.blog4ever.com

Quid Novi Rock'n'roll ?

Petit tour d'horizon des questions liées à la production

Bonjour à tous chers amis !

 

Aujourd'hui on parle un peu de la production. Je me suis en effet rendu compte que, si je fais toujours référence à la production dans mes chroniques, je n'ai jamais fait de papier spécifique sur le sujet et pourtant il y a moultes choses à dire ! Ce billet se veut comme une prise de contact, nous nous pencherons sur des questions plus complexes un de ces jours...

 

Commençons par préciser notre sujet. Quand je parle de production je parle en réalité de la production dite « artistique », c'est-à-dire, la réalisation d'un disque. Ce n'est qu'une partie de la production au sens large qui va, elle, de l'organisation du travail, avec toute la logistique que cela suppose – location du studio, logement et bouffe pour les artistes et techniciens, planning, etc... –, ce qu'on appelle la production exécutive, à la vente du produit avec ce que cela suppose de frais de communication, de campagnes à mener, etc... Vous voyez comme ça à l'air passionnant ? Maintenant vous savez pourquoi, quand je parle de production, je ne parle que de la partie artistique – même s'il y a souvent des anecdotes assez dingues liées à des producteurs qui le sont tout autant, on en parlera peut-être une autre fois.

 

 

Il va de soi que produire un disque est aujourd'hui d'une facilité déconcertante et n'importe quel musicien qui a deux, trois relations en compte au moins une qui a de quoi enregistrer quelques titres à la maison. Avec les progrès indécemment spectaculaires des nouveaux logiciels et l'absence totale de scrupules de la plupart des personnes à les pirater sauvagement, le software a tout envahi et l'immense majorité des logiciels qui ne sont pas immédiatement oubliés sont bluffants. Le software a tellement tout envahi qu'on ne le trouve pas uniquement sous forme archi crackée dans le home-studio tout pourri d'un guitariste autiste. Les studios professionnels s'y sont bien sûr mis ; avouez qu'un ordinateur où toutes les bandes sont stockées en numérique qui permet un accès instantané aux données est quand même plus pratique qu'un magnéto à bandes analogiques. C'est là qu'il convient de s'arrêter un moment. L'un est-il mieux que l'autre ? N'écoutez pas les cons de tout poil qui vont vous sortir que l'un l'est sans conteste parce que machin ou because thing... Il faut être totalement aveugle pour ne jurer que pour une seule technique et ce pour trois raisons : la musique peut plus ou moins bien se prêter à tel ou tel type de production, le type aux manettes peut être un putain de génie dans son domaine et enfin, ça fait quand même bien longtemps que des types malins savent marier les deux écoles avec élégance.

 

Car oui, c'est avant tout une histoire d'école. Et c'est aussi une histoire de types tellement cons et engoncés dans les propres méthodes que les uns ne voient pas que le numérique a fait des progrès techniques hallucinants pour atteindre aujourd'hui une qualité sonore théoriquement parfaite et que les autres snobent joyeusement ceux qu'ils considèrent comme des dinosaures, tout fascinés qu'ils sont par la déferlante de technologie et tellement omnubilés par leur quête du son parfait qu'ils en oublient qu'on doit avant tout chercher le son juste, le son vrai. Et parfois, le son juste et vrai est très loin d'être parfait : le Black Album (Metallica - 1991) de Metallica est un grand album, mais j'ai toujours eu du mal avec ce son à la serpe propre comme un hôpital hélvètique, de même j'ai toujours détesté le son de batterie de Veuillez Rendre l'Âme à qui Elle Appartient de Noir Désir (1989) qui ne me paraît pas en accord avec l'esprit du disque. À la décharge des uns comme des autres, la production est un domaine tellement compliqué qu'on comprend aisément qu'on peut passer toute une vie sur un seul du plus spécifique de ses domaines et mourir sans en avoir percé tous les secrets, loin s'en faut. Devant l'impossibilité d'atteindre la perfection et l'absence de toute pertinence dans la poursuite d'une telle chimère, c'est surtout une affaire de goût en fait. Moi qui suis fan des grands classiques de l'histoire du rock, je suis bien sûr beaucoup plus coutumier du son analogique et ce de l'enregistrement jusqu'au mastering(1). Le son d'un album comme Darkness on the Edge of Town (1978) m'a toujours scotché, comme celui de Axis :Bold As Love (1967) de the Jimi Hendrix Experience, celui de Exodus (1977) de Bob Marley, celui de Kicking Against the Pricks (1986) de Nick Cave and the Bad Seeds, ou de After the Gold Rush (1970) de Neil Young. L'analogique c'est un grain et c'est surtout une manière particulière d'encaisser la saturation. Je vous donne un exemple : si vous écoutez un titre comme See Me, Feel Me(2) vous vous rendrez compte que les toms de batterie sont trop forts et qu'ils saturent copieusement ; cependant cette saturation analogique pre-mastering – comprenez que le master a déjà été ramené à un niveau d'écrêtage normal et qu'on écoute en réalité l'enregistrement d'une saturation – n'est en rien désagréable, le grain est chaleureux et donne à la frappe de Keith Moon une incroyable puissance. Et bon nombre de mix de l'époque saturent, comme presque toutes les parties de batterie de Transformer (1972) de Lou Reed – écoutez le charley sur Andy's Chest ! De nos jours, après des productions de plus en plus dégueulasses depuis la fin des années 70 – paradoxalement tout au long d'une période où le matériel devenait de plus en plus performant et où les ingénieurs élaboraient chaque jour de nouvelles techniques et de nouveaux outils – le son vintage est à la mode et le plus souvent pour servir une musique qui sonne elle aussi particulièrement old-school. C'est même devenue une sorte de philosophie : les Kitty, Daisy & Lewis inscrivent même la liste complète du matériel vintage utilisé en session sur leurs disques ! D'ailleurs ils sont meilleurs pour trouver le son que pour jouer une vraie bonne musique... ou alors le meilleur de leur musique est leur son ! À vous de voir...

 

On argue souvent que le numérique c'est du chiqué, que tout est recalé, trafiqué, édité et qu'on peut faire jouer correctement un groupe tout pourri ou faire chanter une chèvre comme un rossignol. C'est vrai. Avec les séquenceurs actuels, tels que Pro Tools, Logic, Cubase, etc... on peut en quelques clics faire jouer un batteur pas très bon parfaitement dans le temps, simuler un groove de bon aloi, bref, le rendre « bon ». Certes, ça ne sera pas Tony Allen ou Max Roach, mais ça sera suffisamment transparent pour que même une excellente oreille ne puisse déceler quoi que ce soit à la supercherie. On peut aussi réaliser des montages presque totalement invisibles de plusieurs prises pour créer de toute pièce une nouvelle partie musicale. On peut recaler un groupe entier au tempo simplement en indiquant à l'ordinateur le nombre de battement par minutes : il se charge de repérer les zikos qui n'étaient pas tout à fait dedans pendant la prise et en déformant le temps sans déformer le son. On peut créer des voix de choeurs qui harmonisent la voix lead en clonant et trafiquant cette dernière. On peut corriger les défauts de justesse d'un chanteur en corrigeant la hauteur de ses notes, son intonation, son éventuel chevrotement disgracieux, on peut épaissir et travailler le timbre de sa voix... D'ailleurs, la musique commerciale a depuis longtemps généralisé l'usage de l'autotune (3) comme élément « artistique », c'est-à-dire en ne cherchant nullement à camoufler la transformation chimique de la voix : c'est pratique, non seulement les pires casseroles chantent justes, mais le grand public est aujourd'hui habitué à entendre cet effet, on peut donc lancer des gens totalement incapable de chanter dans la musique, quitte à leur coller du playback en « concert ». Oui, le numérique est un monde de bluf qu'on utilise bien souvent pour manipuler ; mais ça ne suffit à le couvrir d'infamie : du temps des bandes analogiques aussi on éditait, on montait, on truquait. C'est juste que ce qui se fait en quelques clics aujourd'hui demandait un temps et une ingéniosité fous. Pour les prises particulièrement difficiles, on pouvait par exemple passer la bande au ralentit – en corrigeant la chute de hauteur pour conserver la tonalité d'origine. Bien sûr, on savait aussi faire de l'édition et du nettoyage. Mais il fallait commencer par copier les bandes car presque toutes les opérations étaient destructives et pour cela pas d'autre choix que de rembobiner le magnéto, de mettre une bande vierge sur une piste libre, d'activer en même temps la lecture et l'enregistrement et d'attendre... Après seulement vous pouviez vous mettre à bosser... avec des ciseaux et de la colle entre autres ou alors en enregistrant des silences sur les zones à effacer avec à chaque fois le risque d'effacer trop de bande et d'être contrait de tout reprendre depuis le début. De nos jours, le montage et le nettoyage des pistes demande toujours du soin, mais tout est facilité par l'usage de l'écran de l'ordinateur qui donne une représentation visuelle du son qu'on finit pas lire aussi naturellement que son propre langage. Sous nos yeux les morceaux sont visible d'un coup d'oeil avec toute leur structure, leur intensité, même le rythme apparaît très clairement via les crêtes... Et c'est quand même un progrès ! D'ailleurs, ce n'est pas parce qu'on utilise l'ordinateur qu'on ne peut pas utiliser de bandes analogiques : on peut transférer les bandes sur l'ordinateur pour réaliser plus facilement les manipulations fastidieuses puis rebalancer le tout sur le magnéto. En fait, de nos jours on peut faire un peu ce qu'on veut tant qu'on sait ce que l'on fait et qu'on garde bien son objectif en tête. Les outils actuels sont d'une puissance et d'une qualité que beaucoup ne soupçonnent même pas : les modélisations d'instruments, par exemple, sont aujourd'hui tellement réalistes que deviner si l'orgue Hammond qu'on entend sur tel ou tel disque est un vrai monstre en bois avec une cabine Leslie et trois claviers ou un pauvre keyboard 25 touches plastique branché en USB sur une bécane.

 

Alors bien sûr, après tout est affaire de choix artistiques. J'apprécie la démarche de groupes qui choisissent de ne travailler qu'en analogique pour donner à leur musique la couleur qui lui sied le mieux : je ne peux pas jurer qu'il soit totalement analogique(4), mais l'album de Valerie June, Pushin' Against a Stone sonne de la sorte et cela colle tellement bien avec cette musique authentique, truffée d'influences de genres désormais vénérables issus de toute la musique noire, jazz, blues, gospel et volontairement très référencée... C'est aussi le rôle du producteur : à lui de voir comment faire sonner son disque pour qu'il magnifie la musique. En fait, c'est le plus important... les puristes et les tricheurs ne seront jamais d'accord mais ils se fourvoient peut-être tous : la technique ne peut être mise de côté quand on parle de musique enregistrée, elle est même indéniablement un élément artistique, mais on ne fait pas un bon disque uniquement là-dessus.

 

C'est tout pour ce petit tour d'horizon des questions que pose la production : on a devant nous un très vaste sujet à explorer et on y reviendra très bientôt !

 

 

 

 

1 : Encore qu'en écoutant un CD, c'est bien sûr un master adapté, une remasterisation, que l'on écoute.

2 : Repris en français par un groupe R'n'B aussi ridicule que tragiquement mau-hoho-vais ?

3 : Bien que ça ne soit pas si automatique que cela dans les faits...

4 : Ben oui, comme je le disais les outils sont de plus en plus bluffant... et on peut désormais imiter presque à la perfection le grain de l'analogique grâce à des programmes numériques...



17/04/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Musique pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 9 autres membres