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Drumroll please... pour la première fois sur ce blog je vais vous parler d'un représentant du neuvième art. Malheureusement ce n'est pas une représentant particulièrement marquant...

Cette chronique n'a pas été facile à préparer. À vrai dire, j'ai trouvé si peu d'informations sur cette bande-dessinée biographique qu'il n'y avait même pas matière à préparation. Cette BD parue un peu plus d'un an après la mort de la chanteuse britannique était sensée être le premier tome d'une collection au titre joyeusement racoleur : Le Club des 27. Collection vraisemblablement morte-née, on n'en trouve nulle trace sur le site de l'éditeur(1) où la BD en elle-même n'apparaît même pas comme faisant partie de leur catalogue. Que s'est-il passé ? Je n'en ai aucune idée, je ne suis même pas certain qu'elle ait un jour bénéficiée d'une sortie en librairie – pour info c'est la plus jolie fille que je connaisse qui me l'a offerte et elle l'avait trouvée dans un magasin spécialisé des les articles issus de sinistres, faillites, etc... Peut-être les ayants-droit de la chanteuse ont-il mis leur véto, on trouve quelques scènes de sexe, je crois même qu'on doit voir un téton à un moment, oulala ! On n'en trouve pas plus de trace dans la bibliographie des auteurs(2) pourtant assez connus chez nous puisqu'il s'agit de Patrick Eudeline et Christophe Goffette, deux journalistes multifonctions estampillés rock. Au dessin, c'est Javi Fernandez, sur lequel je ne trouve pas d'informations valables, qui assure... le minimum syndical ; ce n'est pas affreusement laid, ce n'est pas foncièrement mauvais, mais il y a aussi peu de personnalité que de soin dans le dessin.

En fait, le projet est bancal dès sa conception. Le format BD ne se prête pas vraiment à la biographie : même si, et c'est un des rares vrais bons points de l'ouvrage, le tout est bien construit et donne à voir des scènes intimes et révélatrices de la personnalité explosive d'Amy Winehouse sans se focaliser sur sa courte carrière qui reste cependant toujours présente en toile de fond, on se dit que 46 pages semblent bien maigres et on restera toujours en surface sans jamais vraiment éprouver quoi que ce soit pour cette poupée rock'n'roll. On est introduit aux personnages proches qui jalonnent sa vie dissolue de maigres repères : ses parents, son amie d'enfance Juliette Ashby, son mari Blake Fielder-Civil, son âme-soeur Pete Doherty, etc..., on assiste, bien entendu, à ses excès en tous genres, à la pression énorme qui lui flingue la cervelle, à ses crises de colères proches de la démence, mais il manque à tout cela de l'épaisseur et un fil conducteur plus solide. Comme le dessin est assez feignant, n'attendez pas qu'il soit vecteur d'émotions. Ajoutez à cela une écriture plutôt maladroite où des références rock sont insérées au chausse-pied toutes les deux cases et le personnage du Diable carrément enfoncé au marteau-piqueur au sein de la vague intrigue et vous comprendrez que cette biographie dessinée tient très péniblement debout.

Pourquoi intégrer le Diable dans cette histoire ? Probablement pour me permettre d'en raconter une d'intéressante, d'histoire !

Le « fondateur » du Club 27, l'immense bluesman(3), Robert Johnson, aurait un soir rassemblé quelques amis autour d'un bon vieux feu de camp pour leur narrer sa terrifiante aventure. Par une nuit sans lune, en ballade dans son cher Mississipi, il tombe à un carrefour sur un individu, presque une ombre, avec un grand chapeau qui se saisit de sa guitare et joue quelques notes à faire pleurer la beauté avant de s'évanouir dans l'air nocturne. Robert Johnson évoquant par là avoir cédé son âme au Diable en échange de ses dons prodigieux de musicien s'adjuge au passage lui-même un statut légendaire(4) – même en ses temps déjà lointains, qu'on penserait vierge de la dictature du marketing, les artistes avaient bien conscience de l'importance de la communication ! Quand, en 1938, il meurt dans des circonstances particulièrement mystérieuses après trois jours d'agonie dont l'origine est parfaitement indéterminée – même si retient généralement la thèse de l'empoisonnement par un mari jaloux – et que quelques années plus tard un cyclone vient raser tout ce qui subsiste sur le lieu de sa mort, son histoire passe du surnaturel au mythique. On devine sans peine que le Diable, représenté ici de manière relativement conforme à la description qu'en fait Johnson avec un long manteau et un très large chapeau, devait apparaître dans chaque volume de cette collection et qu'il se retrouve ici intégré assez artificiellement.

Vous l'aurez compris sans peine : Amy Winehouse en bande-dessinée, ce n'est vraiment pas une réussite. Dessin quelconque, écriture maladroite et artificielle, références forcées et autres défauts liés au format font que ce n'est ni une bonne biographie, ni une bonne BD. Cependant, ça n'est pas totalement honteux non plus, ça se laisse lire et regarder, certes sans grand plaisir, mais sans peine ni ennui. Quand on voit quelques autres ouvrages graphiques pondus autour de quelques rock-pop-stars, celui-ci tient même plutôt la dragée haute.

NOTES :

1 : www.editionsjungle.com – une boîte qui s'est toujours distinguée par son bon goût...

2 : Une mention apparaît cependant sur la page wikipedia de Christophe Goffette.

3 : L'intégralité de ses enregistrements est ressortit en CD et vinyle en 2008 dans une édition assez peu soignée – c'est quand même très con de mettre les prises alternatives à la suite des chansons originales au lieu de les mettre en fin de disque – mais au travail de remasterisation des 78 tours originaux plutôt correct.

4 : Bien qu'on ne sache pas exactement à qui attribuer la réelle paternité de cette histoire. S'il est avéré que Robert Johnson a ainsi décrit sa rencontre avec le Diable ; il aurait pu avoir volé cette redoutable trouvaille promotionnelle à Tommy Johnson, un autre bluesman. Mais si on pouvait démêler le vrai du faux, la légende aurait quand même beaucoup moins de gueule !