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Quid Novi Rock'n'roll ?

Londinium, Archive, 1996

PREMIERE PUBLICATION DANS POP SUCKS, ROCK ROCKS EN JANVIER 2011


 

 

Le trip-hop de Bristol... tout un culte, toute une époque de branchitude underground et la démonstration que les années 90 n'ont pas été totalement déplumées musicalement. Les copains britanniques avaient même une pèche d'enfer dans ce contexte musical fait de popinette et de rock FM formaté : US3, Massive Attack, Portishead, Morcheeba, la musique électronique quittait enfin l'entêtante nullité de la techno pour trouver de nouvelles esthétiques. Blue Lines (1991, 10 ans déjà !) de Massive Attack est sûrement l'album le plus représentatif de cette période et il est vrai que c'est une merveille. Cependant Londinium représente à mes yeux et dans la limite de mes propres connaissances, la proposition artistique la plus aboutie jamais atteinte par le trip-hop.

 

Connaissant bien moins l'histoire du groupe – assez tortueuse d'ailleurs – que son premier album, ce billet n'aura pour seul but que d'en chanter les louanges. Autour du noyau dur du groupe, Darius Keeler le claviériste et Danny Griffiths qui assure un peu de tout, basse, claviers, samples, etc, on trouve les deux voix exceptionnelles de ce disque en les personnes de la chanteuse d'origine iranienne Roya Arab et du rappeur Rosko John. Archive se paye en outre les services d'une foule d'invités. Parmi eux, le songwritter américain Steve Taylor à la guitare et la... triangliste Anita Hill – que je tiens à citer bien que je ne connaisse rien d'elle car, aussi incroyable que cela puisse paraître, elle tient une place bien plus importante que ce que sa fonction laisserait supposer ; vous verrez, ce son de triangle à quelque chose de puissamment obsédant. Quelques renforts de batterie, basses, guitares et autres violoncelles viennent compléter le tableau.

 

 

Et quel tableau ! C'est sombre, incroyablement sombre. Le son est lourd, avec des samples d'outre-tombe, comme le final assourdissant et puissant du morceau Londinium. Le corps de l'oeuvre est peuplé de nappes d'orgue ténébreuses et de lignes rampantes de violoncelle ; la froideur qu'on prête à l'électronique n'a pas droit de cité, mais la mécanique implacable des machines renforce les ténèbres qui entourent ce joyau, faisant de son écoute un merveilleux cauchemar. Là-dessus, le rap mélancolique, tantôt traînant à la Snoop Dog, tantôt acéré et énergique de Rosko John fait des merveilles et la voix de Roya Arab apporte la touche aérienne qui met le tout en tension – les textes sont à mon sens, un peu plus anecdotiques et malgré un évident effort d'écriture, plus prétextes à enrichir la matière sonore qu'à succéder à Yeats.

Chaque fois que je mets ce disque, je me retrouve en hypnose totale : sitôt les premières mesures sorties des hauts-parleurs... pfou ! Plus personne ! C'en est même dangereux, mon appartement pourrait partir en flammes que je ne bougerais pas le petit doigt avant que le silence ne se fasse à nouveau. Il n'y a pas le moindre morceau qui brise cette douce torpeur qui prend l'auditeur bien disposé dès les premières notes. Chaque piste entraîne un peu plus loin dans ce monde à la croisé de l'électronique et du concret ; on mêle la folie à la sérénité, la douce rêverie aux cauchemars terribles et fascinants. Dés que le violon torturé de Old Artist se met à résonner, attendez-vous à être embarqué, empoigné par le col avec une main aux fesses en sus, dans un voyage éprouvant mais nécessaire. C'est sensible et fiévreux sur So Few Words et ses parties de claviers délirantes, planant et sexy sur Headspace aux accent des Doors, glacial et impitoyable sur The Darkroom et son beat furieusement hip-hop, fataliste et cadenassé à double tour sur Nothing Else, apaisé et sage sur le splendide Last Five qui conclue – en fait pas tout à fait – le périple. La production n'est pas en reste, très originale, avec un son très compressé, un mixage très compact malgré un travail d'une rare finesse sur les panoramiques stéréo ; le rendu est volontairement à des lieues de la froideur de certaines expériences electro. La fracture entre les machines, les samples et les instruments réels est brillamment questionnée, brouillée ; qu'est-ce qu'on s'en fout au final quand on s'est mangé une telle mandale sonore ? Quoiqu'il en soit, on en prend plein la gueule avec plaisir et l'écoute n'en est que meilleure sous influence(s) et à un volume qui fera glisser votre papier peint au pied de vos murs à la première vibration. Bam...

 

Bien que le virage qu'à pris le projet Archive au fil des années et les critiques, compréhensibles à défaut d'être légitimes, qui pleuvent sur lui depuis aient quelque peu terni sa propre réputation, le travail réalisé sur ce tout premier album tient juste du génie, de la grâce absolue et Londinium mérite totalement sa place parmi les classiques, au moins autant que Blue Lines ou Mezzanine de Massive Attack, autant que Hand On The Torch de US3 (1993) pour ce qui est de l'acid jazz. Je le conseille même vivement aux réfractaires à la musique électronique ; il y trouveront une richesse sonore et musicale incroyable, une oeuvre d'une délicatesse absolue, un feu-follet qu'ils se féliciteront d'avoir su capturer quand tous les autres cons aux sectarismes musicaux muselés seront passés à côté d'un lingot d'or pur.

 

ADDENDUM

J'ai, depuis l'ouverture de ce blog, jeté assez de fleurs un peu partout pour que leur décomposition me rende amèrement migraineux. Le prochain billet sera donc un assassinat en règle et la victime sera mexicaine. Et moustachue.

(Gosh ! C'est super flippant dit comme ça, il faut que je me dépêche de pondre mon papier pour que celui-ci ait une conclusion moins anxiogène !)



21/06/2013
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