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Bonjour les amis !

Aujourd'hui nous nous penchons sur une petite curiosité, aux frontières du jazz, de la soul et du R&B.

Herbie Mann est un type vraiment à part. D'une part parce qu'il est flutiste et qu'on dira ce qu'on veut, mais cet instrument n'est absolument pas glamour. La flute traversière, c'est pas rock, c'est pas sympa et c'est prodigieusement difficile d'avoir l'air un tantinet cool en débarquant sur une scène avec... Les flutistes dont l'histoire aura choisi, par pitié même, de garder le nom sont excessivement rares et Herbie Mann réussi donc une multitude d'exploits : il est cool, l'histoire a retenu son nom(1) et il aura même su faire reconnaître son instrument au sein de la scène jazz qui n'a jamais été réputée pour son ouverture(2) . Mann est également intéressant pour sa carrière, témoignant d'une vraie curiosité musicale. Il se concentre sur le jazz à ses débuts dans les années 50 avant de se consacrer à la world music dans la décennie suivante(3) pour, à la fin de celle-ci, s'intéresser aux musiques noires, à l'héritage du jazz...

Pour Memphis Underground, qui marque le début de son exploration de cette fusion du jazz et du R&B, il s'entoure de Roy Ayers au vibraphone ainsi que de Larry Coryell et Sonny Sharrock aux guitares. Le reste des sièges est attribués aux Memphis Boys, les employés de l'American Sound Studio de Memphis où ont enregistrés quelques inconnus : Elvis, Bobby Womack(4) ou encore Aretha Franklin...

Premier constat à l'écoute de Memphis Underground : ça groove parfaitement... C'est impressionnant, tout le monde est facile, tout le monde est dedans, ça joue grave de grave, c'est vraiment du pur bonheur. D'ailleurs, bien que le disque porte le nom d'un seul homme, tous les musiciens, et je dis bien tous les musiciens, sont indispensables au disque. De plus les morceaux étant des compositions assez standards sans véritable originalité en dehors du mélange des genres musicaux, on se sera bien plus sensible à la performance collective qu'à la vision éclairée d'un artiste. En rêvant un peu on peu croire entendre la jam parfaite où la musique nait d'une communion parfaite qui confine à la télépathie et à la conscience exacte du moment... Nul doute en revanche que chacun des quatre solistes tire son épingle du jeu et que la flute traversière finalement... ben, quand c'est joué par un virtuose de cette sensibilité, ça défonce ! La solidité et la musicalité de la section rythmique absolument impeccable derrière tout ce beau monde est admirable, les nuances sont marquées avec finesse et maîtrise et les gus savent envoyer quand il faut. On notera aussi la participation du grand Miroslav Vitous(5) qui exécute un très beau numéro de basse électrique sur la reprise de Hold On, I'm Coming. Ajoutez à ça un son... qui tue sa mère, chaud et précis avec une stéréo ouverte et définie et qui permet de ne rien occulter de la performance de chacun des musiciens et vous comprendrez qu'en on est en face d'un vrai bon disque !

Memphis Underground n'est pas être pas suffisamment pointu pour contenter les amateurs de jazz purs et durs. Mais cette incursion du jazz en terre soul et R&B, en plus d'être d'un grand sens en terme de filiation, est absolument réjouissante et offre un jubilatoire moment de jeu entre des musiciens qui s'éclatent comme des bêtes...

1 : Il est mort en 2003 d'un cancer.

2 : Chut ! Pas d'argumentaire ! Ça m'énerve déjà ! Et je suis paradoxal si je veux ! Du balais !

3 : Ce qui en fait un véritable précurseur puisque la grande période de la wolrd music et de sa conquête du grand public commence plutôt aux années 80.

4 : J'en profite pour livrer mon sentiment sur sa disparition cette année : « Snif... ».

5 : Qui a bossé pour Miles Davis, Chick Corea, Stanley Clarke...